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L'influence réciproque des achats dans la Supply Chain

L'influence réciproque des achats dans la Supply Chain

Selon l’échelle sur laquelle on se place, de nombreux acteurs ont une influence sur la Supply Chain. Cette influence peut naître entre entreprises ou au sein d’une d’entre elles. La Supply Chain, cette notion souvent réservée aux Hommes intervenants depuis les approvisionnements jusqu’à l’expédition en passant par la production, s’étend aujourd’hui à d’autres services de l’entreprise : les Ressources Humaines, la R&D, le marketing, etc. Physical Supply ChainS s’intéresse cette semaine, dans le cadre des cahiers techniques, à la fonction « achat » : dans quelle mesure un acheteur à une influence sur les approvisionnements et sur les opérations de la chaîne logistique ? Comment cette fonction a-t-elle évolué depuis l’apparition de la culture « Supply Chain » ? Sandrine Grumberg, consultante experte en achats répond à nos questions.



L'influence réciproque des achats dans la Supply Chain

1) Comment définissez-vous le rôle et les responsabilités des acheteurs dans l'entreprise ?

Le service achat est un des leviers de performances de l’entreprise. Le rôle de l’acheteur consiste d’une part à la mise en place des fondamentaux permettant à l’entreprise de se procurer des biens ou des services, dans la qualité, les coûts, et les délais: verbalisation des besoins (cahier des charges), recherche des meilleurs sources d’approvisionnement, sélection des fournisseurs, élaboration des commandes ouvertes (contrats cadres ou SLA - Service Level Agreement), et d’autre part, au suivi des performances des fournisseurs. Les responsabilités sont dés lors importantes, et multiples variant de la protection juridique (établissement des contrats), à un rôle de médiation (un acheteur est souvent l’avocat de son entreprise face au fournisseur, et inversement, quand il s’agit de veiller au respect des engagements mutuels), ou de veiller à réduire les coûts lorsque tous les signaux sont à la hausse.
L’acheteur a un rôle transverse qui va bien au delà de la seule négociation d’un prix, mais tous les acheteurs ne reçoivent pas d’objectifs précis de leur direction, comme dans les PME par exemple. Et, de fait, à défaut de connaître les attentes précises de leur direction, les acheteurs peuvent vite se retrouver dans un rôle assez frustrant de simple « passeurs de commandes » ou de « monsieur 2% » arrivant en fin de chaîne pour discuter le prix d’un produit déjà choisi par les utilisateurs.

2) Dans quelle mesure les achats peuvent-ils influencer l'organisation de la Supply Chain ? Citez-nous quelques exemples ?

L’influence sur l’organisation de la supply chain est considérable, par exemple, imaginez un premier contrat d’achat négocié imposant l’approvisionnement sur appel à dates et quantités variables, et un second contrat d’achat imposant l’approvisionnement à dates variables mais avec une contrainte de taille : une livraison par camion complet…, l’agent d’approvisionnement dans le second cas cherchera à remplir un camion en dépit des besoins de la production, alors que le premier pourra appliquer les principes du juste à temps. Autre exemple, l’approvisionnement de produits par conteneur entier d’Asie, et des produits qui arrivent endommagés. Si l’incoterm, entre autre, a été mal choisi par l’acheteur, l’énergie déployée par tous pour remplacer les produits et limiter les pertes et les retards sera surement très importante … Une des clé de l’influence positive des achats dans l’organisation de la Supply Chain réside dans la relation que l’acheteur développera avec l’agent d’approvisionnement pour s’assurer d’une part que les fondamentaux négociés sont en ligne avec les besoins réels de la Supply Chain : de bonnes conditions de livraison, une communication efficace avec les fournisseurs, et d’autre part, pour permettre l’application des plans de progrès comme la réduction des emballages, ou un étiquetage plus adapté aux besoins de traçabilité .

3) Quels sont les indicateurs provenant des achats au service direct de la Supply Chain ?

Il s’agira essentiellement de connaître le nombre d’articles couverts par un contrat, et des délais de référencement (codification d’article, sélection des fournisseurs). Les indicateurs financiers typiquement achats ne sont, en règle générale, d’aucune utilité pour la supply chain, je pense notamment aux économies générées par des négociations, ou des changements techniques. En revanche, le service achats reçoit de la supply chain des indicateurs importants pour les renouvellements de contrat comme les taux de services (livraisons dans les temps par exemple, rupture, etc.), les retours qualité fournisseurs. Voilà pour les indicateurs, mais une partie essentielle de la contribution achats au delà des indicateurs sont les informations fournies et leur pertinence. La mise à disposition de la supply chain des conventions logistiques signées lors des contrats, les procédures de transmission d’informations ainsi que les listes de contacts clés pour gérer les crises et les absences des personnes en contact habituel, sont des éléments importants. L’approvisionneur est de plus en plus en ligne directe avec les fournisseurs, et la relation acheteur – approvisionneur peut se compliquer si le manque d’objectifs clairs et de communication sont au rendez vous.

4) Depuis l'apparition de la culture "Supply Chain", avez-vous constaté un changement de priorités, de comportements ou simplement de vision de la part des responsables achat ?

La culture « Supply Chain » a permis de développer les échanges entre les fonctions, avec des objectifs communs, la satisfaction du client et la rentabilité de l’entreprise. Elle a également permis l’intégration des achats dans un processus plus global, permettant une recherche d’optimum global. Les achats, par exemple, participent activement, voire initient, les études « make versus buy »*, les opérations d’outsourcing ou d’externalisation sont plus efficaces quand elles prennent en compte l’ensemble des besoins et contraintes de l’entreprise.
Les comportements ont changé également, les acheteurs ont du en effet, transformer leur quotidien, en intervenant bien plus en amont qu’avant, et en acceptant de n’être plus seul à échanger avec un fournisseur. On parle d’ailleurs de plus en plus de fonction de sourcing que d’achats, positionnant les acheteurs en véritables experts. Si la sélection des fournisseurs reste l’apanage des achats, une décision ne peut se faire sans la prise en compte de la performance globale du fournisseur.
*Faire ou Acheter

5) Enfin, comment les achats s'organisent-ils pour introduire dans leur politique la notion de développement durable ?

Les achats durables commencent enfin à trouver une bonne place dans les politiques d’achats de nombreuses entreprises, ou dans les préoccupations des directions d’achats. Lorsque la direction d’une entreprise souhaite s’impliquer dans le développement durable, les acheteurs doivent pouvoir intervenir dés la conception des produits et dans les choix fait à ce moment des matières et des sous traitants. De même, les clauses environnementales (et non de banalités comme « les fournisseurs devront justifier de la prise en compte de considérations environnementales ») vont devoir apparaître clairement dans les cahiers des charges. Les clauses doivent définir des objectifs précis (comme la réduction d’emballages), des interdictions précises (certaines matières nocives), et ne pas se limiter au seul environnement en couvrant les conditions de travail des fournisseurs (travail des enfants, travail illégal sur les chantiers, etc.). La plus grande ambition est sans doute le recours systématique, pour toutes les décisions, au calcul du coût total d’acquisition qui prendra en charge tous les coûts : du sourcing à l’élimination ou la valorisation des déchets (la désormais notion classique « Du berceau à la tombe »). Le seul regret est de continuer à voir la performance des achats liée aux seules économies directes (réduction des prix), le développement durable impose l’arrêt total de la mentalité « quick win* ». Le bon acheteur est encore celui par qui les baisses de prix doivent arriver, c’est ce paradigme qui doit évoluer pour permettre l’efficacité des politiques d’achats durables.



13/10/2010
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